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29 septembre 2022

Rapport compétitivité de la Ferme France du Sénat

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Le mercredi 28 septembre 2022, la Commission des Affaires économiques du Sénat a publié son rapport d’information sur la Compétitivité de la Ferme France1. Le Sénat a souhaité analyser la politique agricole opérée par le Gouvernement depuis 2017.

Interfel, ainsi que les interprofessions Intercéréales, le CNIEL ou la SEMAE, ont été entendues par les sénateurs de la mission d’information, de même que plusieurs organisations membres d’Interfel (GEFEL, FNPF, ANEEFEL, UNCGFL, Felcoop, Confédération paysanne, Coordination rurale).

Pour illustrer la filière fruits et légumes frais, la Commission des affaires économiques s’est intéressée à deux produits : la pomme et la tomate.

La pomme

Une montée de gamme qui fragilise la filière française et met en péril sa compétitivité

Dans leur rapport, les sénateurs se sont notamment intéressés à la production française de pommes, qui connaît une crise de compétitivité sur les marchés depuis plusieurs décennies.

Depuis 1990, la production française de pommes a chuté de 50%, en raison :

  • D’une stagnation du verger et de la consommation françaises (perte d’1,26 hectare de vergers dédiées à la production de pommes chaque jour depuis 10 ans)
  • Et d’une perte de compétitivité à l’export (-31% de croissance depuis 1985). Ce déclin rapide de la production française a pour conséquences : un recul de la part de marché française dans les exportations mondiales (3,5% aujourd’hui, contre 7% en 2015) et une baisse des exportations françaises dans le monde.

Face à la perte de ses parts de marchés, la France a fait le choix de se spécialiser dans le marché de niche haut de gamme. Toutefois, malgré son image de marque, la pomme française est jugée trop chère sur le marché.

La compétitivité-prix de la pomme française se retrouve mise à mal par trois facteurs :

1/ Un coût de la main d’œuvre plus élevé que ses concurrents :

Tableau comparatif des charges dans la production de pommes en Italie, Pologne et France

France Italie Pologne
463 457 582
Heures travaillées par hectares (h/ha) 35 43 23
Rendement à l’hectare (t/ha) 13 11 25
Heures travaillées pour la production d’une tonne de pommes (h/t) 12€ 8€ 5€
Coût horaire (€/h) 159€ 83€ 119€
Différence à la tonne par rapport à la pomme française -77€ -40€

2/ Une surtransposition des normes qui accentue les distorsions de concurrence (exemple : l’Union européenne autorise 454 substance actives au niveau agricole, mais au niveau national, la France n’en autorise que 309)


3/ Une spécialisation « haut de gamme » qui a saturé le marché (exemple : les multiples aides publiques pour la conversion à l’agriculture biologique, face à un nombre de consommateurs qui se stabilise) et a par ailleurs fait perdre aux pommes françaises, le marché des produits « cœur de gamme », qui fait augmenter les importations pour faire face à la demande.

La tomate

Une montée en gamme problématique, faute de politique de baisse des charges

Également prise en exemple, les sénateurs expliquent que la tomate a perdu en compétitivité pour plusieurs raisons :

  • A partir des années 1970, la production mondiale de tomates explose alors qu’à ce moment-là, la production française doit investir pour s’adapter aux attentes de la grande distribution ;
  • En 1996, l’accord de libre-échange signé entre l’Union européenne et le Maroc fait apparaître des tomates très compétitives sur le marché européen ;
  • Le coût de l’énergie des producteurs a augmenté de 370% entre 2021 et janvier 2022, de 110% pour les engrais et 32% pour les emballages en moyenne ;
  • Une surtransposition des normes françaises pour les produits phytosanitaires, mais également en agriculture biologique (exemple : l’agriculture biologique française interdit de commercialiser des tomates produites sous serres chauffées de décembre à avril, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays européens) ;
  • Une volonté de conquérir le marché de niche « haut de gamme » pour éviter la concurrence étrangère. Toutefois ce choix s’est avéré inefficace, car ces tomates haut de gamme se sont rapidement faites concurrencées à leur tour.

24 propositions du Sénat pour relancer la compétitivité

Face à ces constats, les sénateurs proposent 24 recommandations, afin d’améliorer la compétitivité de la France à horizon 2028, dont plusieurs concernant directement la filière des fruits et légumes frais :

  • Lutter contre la surtransposition des normes en donnant une valeur législative au principe de non surtransposition et en évaluant le surcoût engendré pour responsabiliser l’administration ;
  • Garantir le principe « pas d’interdiction de substances actives sans alternative et sans accompagnement » en demandant à l’Anses qu’elle dresse un bilan « bénéfices-risques » pour chaque produit étudié ;
  • Réduire les coûts de main-d’œuvre sur les travailleurs saisonniers par une politique de baisse des charges sociales via le dispositif « TO DE » et supprimer l’application du bonus-malus sur les contrats courts pour les entreprises agroalimentaires saisonnières ;
  • Mettre en place un mécanisme de suramortissement ou un crédit d’impôt pour les investissements de mécanisation dans l’agriculture ou l’agroalimentaire ;
  • Mettre en œuvre, à court terme, un plan de résilience de l’agriculture et de l’agroalimentaire face à la crise énergétique en garantissant aux acteurs de la filière un approvisionnement suffisant pour préserver notre souveraineté alimentaire ;
  • Prendre, dès la loi de finances pour 2023, plusieurs mesures de baisses d’impôt en faveur de la production agricole ou agroalimentaire (absence de hausse de la TICPE sur le gazole agricole, baisse de la taxe foncière sur la propriété non bâtie applicable aux terres agricoles…) ;
  • Prolonger le volet « Troisième révolution agricole » du plan compétitivité France 2028 en augmentant notamment les crédits des plans d’investissement portant sur l’innovation agricole ;
  • Créer un « livret Agri » afin de faciliter l’accès à l’emprunt du secteur agricole et agroalimentaire à l’heure du renouvellement des générations ;
  • Renforcer la résilience des exploitations agricoles face au changement climatique en favorisant les investissements destinés à réduire les dégâts liés à ces aléas ;
  • Mettre en place une réelle transparence sur l’origine des denrées agricoles et alimentaires en augmentant le nombre de contrôles réalisés par les autorités compétentes ;

Poursuivre et intensifier la priorité donnée aux approvisionnements en produits locaux et nationaux dans la restauration collective afin de reconquérir ce circuit de distribution.

Pour plus d’informations, retrouvez le rapport d’information sur la « compétitivité de la ferme France » sur le lien ci dessous

1 Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires économiques sur la compétitivité de la ferme France – 28 septembre 2022